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entrer lui-même, et cependant il résistait et, en luttant, s’enfonçait toujours davantage. Soudain il se dégage et tombe. Il se réveilla, Guérassim toujours au pied du lit, doux, patient, s’était assoupi. Et lui est là, ses pieds amaigris, en chaussettes, appuyés sur ses épaules ; et toujours la même bougie avec un abat-jour, et toujours cette douleur interminable.

— Va-t’en, Guérassim ? murmura-t-il.

— Qu’est-ce que cela fait. Je vais rester.

— Non, va-t’en.

Il descendit ses pieds des épaules de Guérassim, se coucha sur le côté, la main sous sa joue, et fut pris de pitié pour soi-même.

À peine Guérassim était-il passé dans la pièce voisine, que, ne se contenant plus, il se mit à sangloter comme un enfant. Il pleurait sa situation désespérée, son affreuse solitude, la cruauté des hommes, la cruauté de Dieu, l’absence de Dieu.

« Pourquoi as-tu fait tout cela ? Pourquoi m’as-tu fait venir ici ? Pourquoi, pourquoi me tourmentes-tu si atrocement ? »

Il n’attendait point de réponse et en même temps se désespérait de n’en pouvoir obtenir. Sa douleur devint plus aiguë, mais il ne fit aucun mouvement, n’appela personne. Il se répétait : « En bien ! encore ! Eh bien ! frappe ! Mais pourquoi ? Que t’ai-je fait ? Pourquoi ? »

Puis il se tut, il suspendit non seulement ses