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même rage que j’avais éprouvée la semaine précédente s’empara de moi. Je sentis le besoin de laisser éclater ma violence et la joie de la colère.

Non, ils n’achevèrent pas. Cette chose dont ils avaient peur allait commencer et rendre inutiles toutes paroles. Je me jetai sur elle en cachant le poignard pour qu’il ne m’empêchât pas de porter le coup où je voulais, sous le sein, dans la poitrine ; j’avais choisi cet endroit dès le premier instant. En ce moment il vit et, ce que je n’attendais pas de sa part, il saisit ma main et s’écria :

« — Revenez à vous… Que faites-vous ?… Au secours ! » J’arrachai ma main de son étreinte et fondis sur lui. Ses yeux rencontrèrent les miens, et, tout d’un coup, il pâlit, ses yeux scintillèrent bizarrement, et, ce que je n’attendais pas non plus de lui, il fila par-dessous le piano vers l’autre chambre. Je voulus le poursuivre, mais quelque chose de lourd s’abattit sur mon bras gauche. C’était elle. Je fis un effort pour la repousser ; elle se cramponna plus fortement, ne me lâchant pas. Cet obstacle inattendu, ce fardeau et ce contact répugnant ne firent qu’accroître mon irritation. Je me rendais compte que j’étais complètement fou et que je devais être effroyable. Et j’en étais heureux. Je pris mon élan, et, de toutes mes forces, du coude de mon bras gauche, je lui assénai un coup en pleine figure. Elle poussa un cri et lâcha mon bras. Je voulus poursuivre l’autre, mais je sentis