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attendis qu’il fut prêt. De la salle à manger arrivait un bruit de conversation, de couteaux et d’assiettes. Ils mangeaient et n’avaient pas entendu la sonnette. « Pourvu qu’ils ne sortent pas », pensai-je. Egor mit son paletot à col d’astrakan et sortit. Je fermai la porte derrière lui. Une fois seul je me sentis anxieux à la pensée que, tout de suite, il fallait agir. Comment ? Je ne savais pas encore. Je savais seulement que, maintenant, tout était fini, qu’il ne pouvait être question de son innocence et que, dans un instant, je la punirais et romprais à jamais avec elle.

Auparavant j’avais encore des doutes. Je me disais : je me trompe peut-être ? Maintenant le doute avait disparu. Tout était décidé irrévocablement. « Secrètement, toute seule avec lui, la nuit, c’est l’oubli de tous les devoirs. Ou, pis encore, elle apporte trop d’audace et d’insolence dans le crime pour que cet excès même d’audace prouve son innocence ! Tout est clair. Nul doute. » Je ne craignais qu’une chose : que chacun d’eux ne s’en fût de son côté, qu’ils n’inventassent quelque nouveau mensonge et ne me privassent de la preuve matérielle, de la possibibité de les confondre. Et, pour les surpendre plus vite, je me dirigeai, sur la pointe des pieds, vers la salle à manger, non par le salon mais par le corridor et l’appartement des enfants.

Dans la première chambre dormait le petit