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vienne chez moi ? » pensais-je, en entendant ses pas qui se rapprochaient. « Si elle vient chez moi, alors j’ai raison ». Une haine indicible m’envahit l’âme. Les pas se rapprochaient de plus en plus. Va-t-elle passer outre, vers la salle ? Non. La porte grince sur ses gonds, sa personne haute et belle apparaît, et dans sa figure, dans ses yeux, il y a une timidité, une expression insinuante qu’elle cherche à cacher, mais que je vois et dont je comprends le sens. J’avais tellement retenu ma respiration que je faillis suffoquer, et continuant à la regarder, je pris une cigarette et l’allumai.

— « Qu’est-ce que cela signifie ? On vient chez toi pour causer et tu te mets à fumer ! »

Elle s’assit tout près de moi sur le canapé, se pressant contre mon épaule. Je reculai pour ne pas la toucher.

— « Je vois que tu es mécontent que je veuille jouer dimanche », dit-elle.

— « Je ne suis pas du tout mécontent », dis-je.

— « Est-ce que je ne le vois pas ! »

— « Et bien ! je te félicite de ta clairvoyance ! Moi je ne vois rien, sinon que tu te conduis comme une grue. Seulement, toi, l’ignominie t’est agréable, et moi je l’abhorre ! »

— « Si tu veux m’injurier comme un charretier, je m’en vais. »

— « Va-t’en… Sache seulement que si l’honneur de la famille n’est rien pour toi, pour moi tu n’es