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charmant. Ne ferait-elle rien du tout, si elle est belle, on est aussitôt convaincu qu’elle est d’une intelligence remarquable et d’une moralité extraordinaire.

Je rentrai chez moi enthousiasmé et je me persuadai qu’elle réalisait la plus haute perfection, et que, à cause de cela, elle était digne d’être ma femme. Le lendemain, je fis ma demande.

Quel imbroglio ! Sur mille hommes qui se marient, non seulement dans notre milieu mais, malheureusement, parmi le peuple, à peine s’en trouve-t-il un qui ne soit pas marié auparavant au moins une dizaine de fois, si ce n’est cent et mille fois comme Don Juan.

Il est vrai qu’il existe maintenant, — je l’ai entendu dire et l’ai observé moi-même, — des jeunes gens purs qui sentent et savent que ce n’est pas une plaisanterie mais une affaire sérieuse.

Que Dieu les assiste ! Mais, de mon temps, on n’en trouvait pas un pareil sur dix mille. Et tous le savent et feignent de ne pas le savoir. Dans tous les romans on décrit jusqu’aux moindres détails les sentiments des héros, les étangs, les buissons autour desquels ils se promènent, mais quand on décrit leur grand amour pour une jeune fille, on ne souffle mot de ce que lui, l’intéressant personnage, a fait auparavant, pas un mot sur la fréquentation des maisons publiques, sur les bonnes, les cuisinières et les femmes d’autrui ; et s’il en est de