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jetant un regard sur moi et même sur le commis qui, debout, accoudé au dossier de la banquette, écoutait la conversation en souriant. Il n’y a que les animaux qu’on puisse accoupler au gré du propriétaire ; mais les gens ont des inclinations, des attachements, continua la dame, désirant évidemment piquer le marchand.

— Vous avez tort de dire cela, madame, dit le vieux, les animaux ce sont des bêtes, tandis que l’homme a reçu la loi.

— Mais cependant, comment vivre avec un homme quand il n’y a pas d’amour ? reprit la dame, qui semblait avoir hâte d’exprimer son opinion qui lui paraissait très neuve.

— On ne se préoccupait pas de cela autrefois, dit le vieillard d’un ton grave ; c’est maintenant seulement que c’est entré dans les mœurs. Pour un rien, la femme dit : « Je m’en vais ». Ainsi, chez les paysans c’est venu à la mode : « Tiens, voilà tes chemises et tes caleçons, je m’en vais avec Vanka, dit-elle, ses cheveux sont plus frisés que les tiens ». Allez donc leur faire entendre raison ! Et pourtant la première règle, pour la femme, doit être la crainte.

Le commis regarda l’avocat, la dame, et moi, en retenant un sourire, et tout prêt à se moquer ou à approuver les paroles du marchand selon notre attitude.

— Quelle crainte ? demanda la dame.