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bien que ce soit un des phénomènes les plus étranges et les plus importants de la vie : un homme soi-disant vivant devient réellement tel lorsqu’il entre en communion et s’unit avec de soi-disant morts, et les fait entrer dans sa propre vie.

L’âme de Jules s’unissait à celle de l’auteur de ces pensées, et, après cette communion intime, il s’examina et jeta un coup d’oeil sur son existence. Alors, toute sa vie lui sembla une erreur terrible. Il n’avait pas vécu ; par les soucis de la vie, les scandales, il avait étouffé en lui-même la possibilité d’une vraie vie.

« Je ne veux pas détruire ma vie, se dit-il. Je veux vivre, suivre la voie de la vie. »

Il se rappela tout ce que Pamphile lui avait dit lors de leur rencontre, et, maintenant, tout cela lui paraissait si clair, si indiscutable, qu’il était étonné d’avoir pu croire l’inconnu, et d’avoir renoncé à son intention d’aller chez les chrétiens. Il se rappela ce que lui avait dit l’étranger : Lorsque tu auras goûté de la vie, alors, si tu peux, va chez eux.

« Eh bien, voilà, j’ai goûté la vie, se dit-il, et je n’ai rien trouvé. » Il se rappela aussi la promesse de Pamphile, que les chrétiens, à quelque moment que ce fût, seraient heureux de l’accueillir.

« Assez vivre dans l’erreur et souffrir ! s’écria-t-il. J’abandonnerai tout et j’irai vivre avec eux les règles écrites dans ce manuscrit. »