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se marie que lorsqu’il sait que son union avec une femme ne fait de mal à personne.

— Mais est-ce possible ! s’écria Jules. Un homme est-il maître de ses inclinations ?

— Non, s’il leur a donné libre cours. Mais nous pouvons éviter de les éveiller ou en arrêter le développement. Par exemple, les relations entre pères et filles, mères et fils, sœurs et frères. Une mère, une fille, une sœur, si belles qu’elles puissent être, ne sont jamais un objet de jouissance personnelle pour le fils, le père, le frère, mais un objet d’affection, et la passion ne s’éveille pas. Cela pourrait arriver cependant si l’homme découvrait que celle qu’il croyait sa fille n’est pas sa fille, ou pour un jeune homme, que celle qu’il croyait sa mère n’est pas sa mère, ou que celle qu’il croyait sa sœur n’est pas sa sœur. Mais, même ces sentiments seraient faibles et l’homme pourrait facilement les maîtriser. Le sentiment de la volupté serait faible, parce qu’il aurait à sa base un sentiment d’affection pour sa mère, sa fille, sa sœur. Pourquoi donc douter qu’il soit possible et même facile à l’homme d’éprouver pour les femmes, en général, des sentiments analogues à ceux qu’ils éprouvent pour leurs mères, leurs sœurs, leurs filles, et de faire en sorte que le sentiment de l’amour conjugal se développe sur ce sentiment ? Un jeune homme ne se permettra pas d’éprouver de passion pour la jeune fille