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mément à sa volonté. S’il veut que la race humaine existe, il trouvera les moyens de la perpétuer ; sinon elle s’éteindra inévitablement. Cela ne nous regarde pas ; notre affaire à nous consiste à vivre selon sa volonté. Sa volonté s’exprime dans la révélation où il est dit que l’homme s’attachera à sa femme et qu’ils ne feront qu’une seule chair. Non seulement le mariage n’est pas défendu par nos lois, mais il est encouragé par nos anciens, qui connaissent parfaitement la loi. La différence entre vos mariages et les nôtres c’est que notre loi condamne formellement tout regard de convoitise jeté sur une femme. Nous et nos femmes, au lieu de nous parer et de provoquer le désir charnel, nous tâchons de l’éloigner de nous afin que le sentiment d’amour fraternel soit entre nous plus fort que le désir d’une seule femme, que vous appelez l’amour.

— Mais vous ne pouvez cependant pas supprimer le sentiment que l’on éprouve à la vue de ce qui est beau ? dit Jules. Je suis certain, par exemple, que cette belle jeune fille, avec laquelle tu as apporté les raisins, a éveillé en ton cœur le sentiment de l’amour, en dépit de ses vêtements qui dissimulent ses charmes.

— Je l’ignore encore, dit Pamphile en rougissant. Je n’ai jamais pensé à sa beauté ! Tu es le premier à m’en parler. Elle n’est qu’une sœur pour moi. Mais revenons à ce que je te disais au sujet de la différence entre vos mariages et les nôtres.