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daient la mort, mais on ne la leur donnait pas d’un coup, on les soignait pour les battre une deuxième et une troisième fois. Et le malheureux vit, il est jeté à l’hôpital attendant les nouveaux tourments qui le conduiront à la mort ; et alors on l’emmène au supplice une deuxième ou une troisième fois et on le frappe jusqu’à son dernier soupir. Et tout cela parce que l’homme s’est enfui du régiment, ou a eu la hardiesse et l’audace de se plaindre pour ses camarades de la mauvaise nourriture ou de dire que les chefs volent.

Il raconta tout cela, et quand je voulus éveiller son repentir pour de tels actes, tout d’abord il s’étonna, puis ensuite il fut effrayé.

— Non, dit-il, c’était par jugement, en quoi suis-je coupable, c’était la loi ?

Il était aussi tranquille et n’avait pas davantage de remords pour les horreurs militaires auxquelles il avait participé et qu’il avait vues si fréquemment en Turquie et en Pologne.

Il parlait des meurtres d’enfants, des prisonniers qu’on laissait mourir de faim et de froid, de l’assassinat à coups de baïonnette d’un tout jeune Polonais qui se précipitait vers un arbre ; et quand je lui demandai si sa conscience n’était pas tourmentée par ces actes, il ne comprit pas. C’était la guerre, par la loi, pour l’Empereur et pour la Patrie, ces actes ne sont donc pas mauvais, même il les croit glorieux, vertueux et capables de