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espérer. Il se mit entrevoir la possibilité de l’opération qu’on lui proposait. « Je veux vivre ! Je veux vivre ! » se disait-il.

Sa femme vint le féliciter ; elle prononça les paroles d’usage en pareil cas et ajouta :

— N’est-ce pas que tu te sens mieux ?

Sans la regarder il lui répondit :

— Oui.

Son costume, son attitude, l’expression de son visage, tout lui criait : « Ce n’est pas cela ! Tout ce qui remplissait ta vie d’autrefois et ta vie présente n’est que mensonge, que dissimulation, qui cachent à tes yeux la vie et la mort. » À cette pensée, sa haine se ranima, et, avec elle, ses souffrances physiques et la certitude d’une mort prochaine inévitable. Quelque chose de nouveau se produisit en lui ; c’était comme si une vis lui eût troué le corps, comme si des coups de fusil lui eussent déchiqueté les entrailles. La respiration lui manqua.

L’expression de son visage lorsqu’il avait répondu oui à sa femme était vraiment terrible. Aussitôt qu’il eut prononcé ce oui, en regardant sa femme bien en face, il se retourna avec une force extraordinaire pour un homme aussi faible et il s’écria :

— Allez-vous-en ! Allez-vous-en ! Laissez-moi !