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regarda avec la même haine, et quand elle lui demanda des nouvelles de sa santé, il lui répondit d’un ton sec que bientôt il les débarrasserait de sa présence. Elles se turent, restèrent encore un peu et s’en allèrent.

— Mais, en quoi sommes-nous coupables ? dit Lise à sa mère. Ce n’est pourtant pas nous qui l’avons rendu malade ! Je plains beaucoup papa, mais pourquoi nous tourmente-t-il ainsi ?

Le médecin vint à l’heure habituelle. Ivan Ilitch s’obstina à ne lui répondre que par oui et non, et en gardant son expression de haine. À la fin, ne pouvant plus se maîtriser, il lui dit :

— Vous savez bien vous-même que vous ne pouvez rien faire pour moi. Laissez-moi donc tranquille au moins.

— Nous pouvons soulager vos souffrances, dit le médecin.

— Vous ne pouvez pas me soulager. Laissez-moi.

Le médecin sortit, alla au salon et déclara à Prascovie Fédorovna que son mari allait très mal, et que le seul moyen d’apaiser ses souffrances, qui devaient être atroces, c’était de lui administrer de l’opium. Le docteur avait raison de dire que les souffrances physiques d’Ivan Ilitch étaient intolérables. C’était vrai. Mais ses souffrances morales étaient bien plus terribles encore. Et elles étaient sa principale torture.