Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que qu’il délie sa bourse ; le mendiant, tout en continuant à faire le signe de la croix et à s’incliner, court près des roues mêmes au risque d’être écrasé. « Donnez, au nom du Christ ! » Enfin une pièce de cuivre vole devant nous et la malheureuse créature, dans ses loques collées à son corps maigre et mouillé jusqu’aux os, en chancelant sous le vent, reste perplexe au milieu de la route et disparaît à mes yeux.

Une pluie oblique, lancée par un vent violent, tombe à pleins seaux, du vêtement à poil frisé de Vassili, coule en ruisseau dans la mare d’eau sale qui se forme sur le tablier. La poussière accumulée sur la route se transforme en boue liquide que les roues creusent ; les secousses deviennent moindres, et sur les bords de la route argileuse, coulent des ruisseaux d’eau trouble. Les éclairs brillent plus larges et plus pâles, les coups de tonnerre sont moins formidables et s’entendent moins à travers le bruit régulier de la pluie.

Mais, maintenant, la pluie tombe en gouttes plus petites, le nuage commence à se dissiper en nuées ondulantes, l’endroit où doit être le soleil commence à s’éclaircir et derrière les bords gris-blanchâtre des nuages, on distingue un petit morceau du ciel clair. Un moment après, un timide rayon de soleil brille déjà dans les flaques de la route, sur la pluie qui tombe droite et en gouttes fines, et sur l’herbe brillante du chemin. Le nuage noir