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ticulière envers mon joyeux protecteur, et je ne sais pourquoi, j’éclatai de rire.

Tout à coup, dans la salle, les notes du grand-père se firent entendre et l’on se leva de table. Aussitôt, mon amitié avec le jeune homme cessa ; il partit avec les grands, et moi, n’osant pas le suivre, je m’approchai avec curiosité pour entendre ce que disait à sa fille madame Valakhina.

— Encore une petite demi-heure — disait Sonitchka d’un ton persuasif.

— Vraiment, c’est impossible, mon ange.

— Je t’en prie, accorde moi cela, — continuait-elle toute câline.

— Seras-tu contente si je suis malade demain ? — demanda madame Valakhina, qui commit l’imprudence de sourire.

— Ah ! tu as permis ! Nous restons ! — cria Sonitchka en sautant de joie.

— Que faire, avec toi ? Va donc, danse… te voilà un cavalier, dit-elle en me montrant.

Sonitchka me prit la main et nous courûmes dans la salle.

Le vin que j’avais bu, la présence et la gaieté de Sonitchka m’avaient fait oublier l’aventure malheureuse de la mazurka. Je faisais les pas les plus comiques : tantôt imitant le cheval, je courais au petit trot et levais fièrement les jambes ; tantôt je piétinais sur place comme un mouton qui se fâche contre un chien, et en même temps, je riais de