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gant, et je considérai fixement ce bout du médius qui toujours était taché d’encre.

— Ah ! si Natalia Savichna était ici, chez elle on trouverait sûrement des gants. Je ne puis descendre comme cela, parce que si l’on me demande pourquoi je ne danse pas, que dirai-je ? Et je ne puis non plus rester ici, car on s’apercevra de mon absence. Que faire ? — dis-je en agitant les mains.

— Que fais-tu ici ? — me demanda Volodia qui entrait en courant. — Viens vite inviter une dame… Ça va commencer tout de suite.

— Volodia, — fis-je d’une voix presque désespérée en montrant ma main dont deux doigts sortaient par la coupure du gant sale. — Volodia, tu n’y as pas pensé ?

— À quoi ? — fit-il avec impatience. — Ah ! aux gants ? — ajouta-t-il d’un ton indifférent en regardant ma main. — En effet, il n’y en a pas, il faut demander à grand’mère ce qu’elle dira… Et sans réfléchir un instant, il courut en bas.

Le sang-froid qu’il garda dans une circonstance que je jugeais si importante, me tranquillisa, et je courus en hâte au salon, en oubliant tout à fait l’affreux gant qui couvrait ma main gauche. En m’approchant doucement du fauteuil de grand’mère et en touchant légèrement sa mantille, je lui chuchotai :

— Grand’mère ! que faut-il faire, nous n’avons pas de gants ?