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parce que, depuis le matin, on les avait enveloppées dans un petit morceau de la Gazette de Moscou et parce qu’on les avait pressées avec un fer chaud. Il me semblait qu’elle était née ainsi, avec cette tête frisée.

Le caractère le plus frappant de son visage c’était la grandeur extraordinaire de ses yeux saillants, demi-ouverts, qui formait un contraste agréable avec la bouche petite. Les lèvres fines étaient serrées et le regard était si sérieux, que l’expression générale du visage ne laissait pas espérer le sourire, qui n’en apparaissait que plus charmant.

En tâchant de n’être pas remarqué, je me glissai dans la grande salle et marchai, aller et retour, en feignant d’être très absorbé et d’ignorer l’arrivée des invités. Quand les hôtes se trouvèrent au milieu de la salle, j’eus l’air d’être tiré de mes pensées, je fis des révérences et déclarai que grand’mère était au salon. Madame Valakhina, dont le visage me plut beaucoup, parce qu’il avait une grande ressemblance avec celui de sa fille Sonitchka, me fit un aimable signe de tête.

Grand’mère parut très contente de voir Sonitchka, elle l’appela près d’elle, releva sur sa tête une boucle qui tombait sur le front, et dit en regardant fixement son visage : Quelle charmante enfant ! Sonitchka sourit, rougit et me parut si charmante, que je rougis moi-même en la regardant.