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son ignorance de certaines choses, et montrait l’affabilité et la tolérance. Il était grand ennemi de toute originalité, qu’il appelait le truc des hommes de mauvais ton. En quelque lieu qu’il fût, à Moscou ou à l’étranger, la société lui était nécessaire ; il vivait toujours ouvertement et à certains jours, il recevait chez lui toute la ville. Il était si haut placé dans la société qu’une de ses invitations pouvait servir de passeport à chacun dans n’importe quel salon, que les plus jeunes et les plus jolies femmes lui tendaient très volontiers leurs joues roses qu’il embrassait soi-disant paternellement, et que quelques hommes, même très distingués et haut placés, étaient tout joyeux d’être admis à la partie du prince. Le prince n’avait plus guère de connaissances comme grand’mère, qui était du même monde, de la même éducation, de la même opinion et du même âge que lui ; c’est pourquoi il attachait un tel prix à ses vieux liens d’amitié avec elle, et lui témoignait toujours un grand respect.

Je ne pouvais détacher mes regards du prince ; l’estime qu’on lui témoignait, ses grosses épaulettes, surtout la joie de grand’mère en le voyant, et ce fait qu’il était le seul s’adressant à elle tout à fait librement et ayant l’audace de l’appeler ma cousine m’inspirait envers lui une grande estime, égale sinon supérieure à celle que je ressentais pour grand’mère. Quand on lui montra mes vers, il m’appela vers lui et dit :