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dîner ; l’officier d’état-major à la bague ; Jerkov qui, inquiet, regardait autour de lui, et le prince André, pâle, les lèvres serrées, les yeux brillants de fièvre.

Dans une cour de l’izba était le drapeau pris aux Français, et l’auditeur, avec un visage naïf, tapait l’étoffe de drap et hochait la tête d’un air étonné, peut-être parce qu’en effet il était intéressé à la vue du drapeau, ou parce qu’il lui était pénible à lui, qui avait faim, de regarder le repas où manquait son couvert. Le colonel français fait prisonnier par le dragon était dans l’izba voisine. Près de lui, nos officiers se bousculaient pour le voir. Le prince Bagration remerciait les chefs et les interrogeait sur les détails de l’affaire et sur les pertes. Le chef du régiment présenté sous Braunau rapportait au prince qu’aussitôt l’affaire commencée, il reculait dans la forêt, rassemblait ses soldats occupés à couper du bois, et, avec deux bataillons, se jetait baïonnettes en avant et culbutait les Français.

— Quand j’aperçus, Votre Excellence, que le premier bataillon était dérangé, je m’arrêtai et pensai : « Je dépasserai ceux-ci et je rencontrerai l’ennemi par le feu de la bataille ». C’est ce que j’ai fait.

Le commandant du régiment désirait tellement faire cela, il regrettait tant de n’avoir pas réussi à le faire, qu’il lui semblait que c’était arrivé ainsi.