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ce même canon d’où l’on avait retiré l’officier mort. Sur la capote qu’on avait posée il y avait du sang où se salissaient le pantalon et le bras de Rostov.

— Quoi, mon cher, vous êtes blessé ? — dit Touchine en s’approchant du canon où était assis Rostov.

— Non, je suis contusionné !

— Pourquoi donc du sang sur l’affût ?

— C’est l’officier, Votre Noblesse, qui a mis ce sang, — répondit un artilleur en essuyant le sang avec la manche de sa capote, comme s’il s’excusait pour la malpropreté du canon.

À peine, avec l’aide de l’infanterie, avait-on amené les canons dans la montagne, et atteint le village Gunthersdorf, qu’on s’arrêta. Il faisait déjà si sombre qu’à dix pas on ne pouvait distinguer les uniformes des soldats. La fusillade commençait à se calmer. Tout à coup, à droite, résonnèrent de nouveau les cris et la fusillade. Des coups brillaient dans l’obscurité. C’était la dernière attaque des Français à qui répondaient les soldats enfermés dans les maisons du village. De nouveau tous se précipitèrent au village, mais les canons de Touchine ne pouvaient se mouvoir et les artilleurs, Touchine et le Junker se regardaient en silence, s’abandonnant au sort. L’échange de coups se calmait ; dans la rue latérale parurent des soldats qui causaient avec animation