Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/404

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que de nouveau éclatait, à l’improviste, un horrible sifflement qui se terminait soudain par un coup sur quelque chose de liquide, et vlan ! le cosaque qui était un peu à droite et derrière l’auditeur roulait à terre avec son cheval. Jerkov et l’officier de service se penchèrent sur leurs selles et tournèrent les chevaux. L’auditeur s’arrêta en face du cosaque et le regarda avec une curieuse attention. Le cosaque était tué et le cheval se débattait encore.

Le prince Bagration se tourna, cligna des yeux et, voyant la cause du trouble, se détournait indifférent, avec l’air de dire : « Pourquoi s’occuper de telles bêtises ? » Il arrêta son cheval par le procédé des bons cavaliers, se pencha un peu en avant et dégagea son épée accrochée à sa bourka. L’épée était ancienne, différente de celles qu’on portait alors. Le prince André se rappela avoir entendu dire que Souvorov, en Italie, avait fait cadeau de son épée à Bagration, et ce souvenir, en ce moment, lui fut particulièrement agréable. Ils s’approchèrent de cette même batterie près de laquelle Bolkonskï avait examiné le champ de bataille.

— À qui cette compagnie ? — demanda le prince Bagration au sous-officier de garde qui se tenait près des caissons.

Il demandait : À qui cette compagnie ? mais en réalité, il avait l’air de demander : N’avez-vous pas peur ici ? Et l’artificier comprit cela.