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de se concentrer ou de formuler les articles d’un nouveau Campo Formio.

— Mais quel génie extraordinaire ! — s’écria tout-à-coup le prince André en fermant le poing et frappant sur la table. — Quelle veine a cet homme !

Buonaparte ? — fit d’un ton interrogateur Bilibine en plissant son front et laissant pressentir un mot. Buonaparte, — dit-il en appuyant surtout sur l’u. — Je crois cependant qu’il faut lui faire grâce de l’u maintenant que de Schœnbrünn il prescrit les lois à l’Autriche. J’introduis absolument une nouveauté et je l’appelle Bonaparte tout court.

— Non, plaisanterie à part, — dit le prince André, — pensez-vous la campagne terminée ?

— Voici ce que je pense : l’Autriche est dupée ; elle n’est pas habituée à cela et s’en vengera. Elle a été dupée parce que, premièrement, les provinces sont ruinées (on dit l’armée orthodoxe russe terrible pour le pillage), l’armée écrasée, la capitale prise et tout cela pour les beaux yeux de Sa Majesté de Sardaigne. C’est pourquoi — entre nous, mon cher, — je flaire qu’on nous trompe, je flaire qu’il existe des relations avec la France et un projet de paix secrète conclue à part.

— C’est impossible, ce serait trop vilain ! — prononça le prince André.

Qui vivra verra — dit Bilibine, qui déplissa de nouveau son front en signe que la consversation était finie.