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général, de l’amour des femmes, à sa dépendance des conditions physiques et, principalement, je réfléchis aux qualités de cette étrange espèce d’animaux auxquels nous sommes si étroitement liés et que nous appelons des hommes. Les particularités qui me faisaient une situation spéciale au haras, je les sentais mais ne pouvais les comprendre.

La signification de cette particularité et des qualités des hommes sur quoi elle se basait, me fut donnée par la circonstance suivante : C’était l’hiver, pendant les fêtes ; de la journée on ne m’avait donné ni à manger ni à boire ; j’ai su depuis que mon palefrenier s’était enivré. Le même jour le palefrenier en chef entra chez moi, vit que je n’avais pas de nourriture, et se mit à injurier le palefrenier qui n’était pas présent, puis s’en alla.

Le lendemain, le palefrenier vint dans notre box, avec un camarade, pour nous donner du foin. Je remarquai qu’il était particulièrement pâle et triste, il y avait surtout dans l’expression de son long dos quelque chose d’important qui excitait la compassion.

Il jeta, avec colère, le foin dans le râtelier ; je poussai ma tête à travers son épaule, mais il me donna un si fort coup de poing sur le museau que je m’écartai. Il me lança aussi un coup de botte sous le ventre.

— Sans ce vilain, dit-il, rien n’arriverait.

— Quoi ? demanda l’autre palefrenier.