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future vie commune étaient les mêmes, seulement, avec ses paroles, ils se dessinaient mieux et semblaient meilleurs.

Tout ce jour le temps était mauvais, et nous restâmes à la maison. La meilleure causerie, la plus intime, se passait dans le coin entre le piano et la fenêtre. Sur la fenêtre sombre, très près, se reflétait la flamme des bougies ; sur les vitres, de temps en temps, brillaient et glissaient des gouttes d’eau venues des toits. De la fenêtre elles tombaient goutte à goutte dans le bassin ; on sentait la fraîcheur, et notre coin semblait encore plus clair, plus intime et plus joyeux.

— Et savez-vous, il y a longtemps que je voudrais vous dire une chose, — fit-il une fois que tard, le soir, nous étions dans ce coin. — Pendant que vous jouiez je n’ai cessé d’y penser.

— Ne parlez pas, je sais tout, — dis-je.

— Oui, c’est vrai, ne parlons pas.

— Non, dites quoi ! — repris-je.

— Voilà : Vous rappelez-vous l’histoire que je vous ai racontée entre A et B ?

— Comment ne pas se rappeler cette sotte histoire, c’est heureux qu’elle soit terminée…

— Oui, encore un peu et tout mon bonheur sombrait par ma faute. Vous m’avez sauvé. Mais sur le principal j’ai toujours menti, j’en ai honte et veux maintenant tout expliquer.

— Ah ! s’il vous plaît, c’est inutile.