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me paraissait si clair et si simple qu’en m’arrachant de ce livre, je regardais et observais la vie qui m’entourait. Il semblait si difficile de vivre mal et si simple d’aimer autrui et d’en être aimé. Tous étaient si bons, si doux pour moi, même Sonia, à qui je continuais de donner des leçons, était tout autre : elle tâchait de comprendre, de me faire plaisir, de ne pas m’attrister.

Telle j’étais, tels étaient les autres avec moi. En cherchant alors les ennemis à qui je devais demander pardon avant la confession, je me rappelai une discussion avec une demoiselle, notre voisine, de qui, une année avant, je m’étais moquée devant les invités et qui avait cessé de nous fréquenter. Je lui écrivis que je me reconnaissais fautive et lui demandais pardon. Elle m’écrivit une lettre où elle-même s’excusait et me pardonnait. Je pleurai de joie en lisant ces lignes naïves où je voyais alors le même sentiment profond et touchant. La vieille nounou pleura quand je lui demandai pardon. Pourquoi tous sont-ils si bons pour moi ? Par quoi ai-je mérité tant d’affections ? me demandais-je. Et malgré moi je me rappelais Sergueï Mikhaïlovitch et songeais longtemps à lui. Je ne pouvais faire autrement et même je ne considérais pas cela comme un péché. Mais, maintenant je ne songeais plus à penser à lui comme la nuit où, pour la première fois, je me rendis compte que je l’aimais. Je pensais à lui, comme à moi-même, en le joi-