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Viens boire un petit verre de vin,
Seulement ne bois pas trop,
Car celui qui veut boire
Doit d’abord le mériter.

— Oh ! la belle chanson ! conclut-il.

Cette chanson plaisait sans doute aux valets, car ils se rapprochèrent de nous.

— Et qui en a composé la musique ? demandai-je.

— Personne, comme ça. Pour chanter devant les étrangers, il faut quelque chose de nouveau.

Quand on nous apporta de la glace, et que je versai du champagne à mon interlocuteur, il se sentit gêné et, se tournant vers les valets, il s’agita sur son banc. Nous trinquâmes à la santé des artistes. Il but un demi-verre et trouva nécessaire de devenir pensif et de froncer gravement les sourcils.

— Il y a longtemps que je n’ai bu un pareil vin, je ne vous dis que ça. En Italie, le vin d’Asti est bon, mais celui-ci est meilleur. Et l’Italie ! On est bien là-bas ! ajouta-t-il.

— Oui, là-bas on sait apprécier la musique et les artistes, dis-je voulant en arriver à l’insuccès de ce soir devant Schweizerhof.

— Non, répondit-il, quant à la musique, là-bas, je ne pourrais faire plaisir à personne. Les Italiens sont eux-mêmes des musiciens comme il n’y en a pas au monde. Moi, je ne sais que les chansons tyroliennes. C’est quand même pour eux de la nouveauté.