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VIII

La haute et large salle sombre, éclairée seulement de quatre ou cinq bougies avec lesquelles les médecins s’approchaient des blessés pour les examiner, était littéralement bondée. Les porteurs amenaient sans cesse des blessés, les plaçaient l’un près de l’autre sur le sol et la place était déjà si étroite que les malheureux se poussaient et se noyaient dans le sang l’un de l’autre, et les brancardiers allaient en chercher encore d’autres. Les mares de sang qu’on apercevait sur les places vides, la respiration fiévreuse de quelques centaines d’hommes, la transpiration des brancardiers, formaient une atmosphère particulière, lourde, pénible, nauséabonde où, de divers côtés de la salle, brillaient faiblement les bougies. Le bruit des gémissements, des soupirs, des râles, interrompu parfois d’un cri aigu, emplissait la salle. Les infirmières au visage tranquille, avec l’expression, non de cette