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fois on ne distingue pas la bombe de l’étoile.

— Oui, tout à l’heure je croyais voir une étoile, et elle s’est abaissée… Voilà, elle vient d’éclater. Et cette grande étoile, comment l’appelle-t-on ? Elle est comme une bombe.

— Tu sais, je suis si habitué à ces bombes que je suis persuadé qu’en Russie, pendant une nuit d’étoiles, je croirai toujours que ce sont des bombes. On s’y habitue.

— Cependant, ne me faudrait-il pas aller à cet assaut ? — dit le prince Galtzine après un moment de silence.

— Quelle idée, mon cher, n’y pense pas. Je ne te laisserai pas, — répondit Kalouguine — Tu auras encore le temps, mon cher !

— Alors sérieusement, tu penses qu’il ne faut pas y aller, hein ?

À ce moment, dans la direction où regardaient ces messieurs, derrière le grondement de l’artillerie, on entendit un bruit effrayant de fusils et des milliers de petits feux, en éclatant sans cesse, brillèrent sur toute la ligne.

— Voilà où commence la véritable affaire ! dit Kalouguine.

— Je ne puis entendre avec indifférence le son des fusils. Il prend l’âme. Voilà ! Hourra ! — fit-il en entendant les cris lointains prolongés des centaines de voix : « A-a-a » qui du bastion arrivaient jusqu’à lui.