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— Je donnerai tout, seulement vous ne m’y reprendrez plus. Non, je ne le regagnerai de toute ma vie.

Et Anna Fédorovna partit dans sa chambre en se dandinant. Elle revint bientôt et rapporta neuf roubles. Ce ne fut que sur l’insistance du petit vieux qu’elle paya tout.

Polozov craignait un peu qu’Anna Fédorovna ne l’injuriât s’il lui adressait la parole. En silence, doucement, il s’éloigna d’elle et se joignit au comte et à Usa, qui causaient près de la fenêtre ouverte.

Dans la chambre, sur la table dressée pour le souper, étaient posées deux chandelles. Leur lumière vacillait de temps en temps au souffle léger, chaud de la nuit de mai. Par la fenêtre ouverte, dans le jardin, il faisait aussi clair, mais tout autrement que dans la chambre. La lune dans son plein, perdant déjà sa teinte dorée, montait au-dessus des hauts tilleuls, et éclairait de plus en plus les légers nuages blancs qui la cachaient parfois. Sur l’étang dont on apercevait à travers l’allée une partie argentée par la lumière, les grenouilles coassaient ; de petits oiseaux sautillaient et se secouaient sous la fenêtre même, dans le buisson odorant de lilas où, de temps en temps, se balançaient lentement les fleurs humides.

— Quel beau temps, — disait le comte en s’approchant de Lisa, et s’asseyant sur la fenêtre basse. Vous devez vous promener beaucoup ?