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nière carte, le valet, qui lui avait coûté cinq cents roubles, mais ne croyant pas encore bien à la réalité, il prit l’argent sous son oreiller et se mit à le compter. Il reconnut quelques billets de banque qui, pendant le jeu, avaient passé maintes fois d’une main à l’autre, et il se rappelait toutes les péripéties du jeu. Des trois mille, il ne restait déjà rien, et deux mille cinq cents de l’argent d’État manquaient aussi.

Le Uhlan avait joué durant quatre nuits consécutives.

Il arrivait de Moscou où il avait reçu l’argent de la trésorerie. À K*** le maître de poste l’avait retenu sous prétexte de manque de chevaux, mais en réalité parce qu’il était de connivence avec l’hôtelier pour retenir un jour au moins chaque voyageur. Le uhlan, un garçon très jeune et très gai qui, à Moscou, avait reçu de ses parents trois mille roubles pour son équipement, était heureux de passer quelques jours à la ville de K*** pendant les élections, espérant s’y bien amuser. Il connaissait un propriétaire rural qui avait de la famille, et se promettait d’aller chez lui et de faire la cour à ses filles, quand le cavalier se présenta chez lui pour faire sa connaissance ; et le même soir, sans aucune mauvaise intention, le cavalier présentait le uhlan à ses connaissances, Loukhnov et d’autres joueurs qui se tenaient dans la salle commune. Depuis ce soir, le uhlan s’assit au jeu et non seu-