Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ser quelque argent, bien qu’il sache pertinemment que je le lui rendrais. Mais il attend que moi, dans ma situation, je m’adresse à lui. Et vous comprenez comment cela me met à ses yeux. À vous, je parlerai tout franchement, vous êtes au-dessus de cela, mon cher, je n’ai pas le sou. Et tenez, — fit-il tout à coup en me regardant dans les yeux avec désespoir, je vous dirai tout net que je suis maintenant dans une situation des plus difficiles : pouvez-vous me prêter dix roubles argent ? Ma sœur doit m’en envoyer par le prochain courrier et mon père

— Ah ! je suis très heureux, — dis-je, tandis qu’au contraire j’étais peiné et surtout dépité, parce que la veille, ayant perdu aux cartes, il ne me restait plus que cinq roubles et quelque chose chez Nikita. — Tout de suite, — dis-je en me levant. — J’irai les chercher dans ma tente.

— Non, après, ne vous dérangez pas.

Mais, sans l’écouter, je courus à la tente fermée où se trouvait mon lit, et où logeait le capitaine.

— Alexeï Ivanitch, donnez-moi, s’il vous plaît, dix roubles jusqu’au prêt, — dis-je au capitaine en le secouant.

— Quoi ! vous avez encore perdu ? Hier encore vous vouliez ne plus jouer, — prononça le capitaine en se rendormant.

— Non, je n’ai pas joué. Mais il me les faut, donnez-les-moi, s’il vous plaît.