Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

petites relations non remarquées, quand ils ont vu en moi un homme de beaucoup supérieur à eux, ils se sont excités contre moi et ont commencé à s’en venger par diverses petites humiliations. Ce que j’ai eu à souffrir, vous ne vous en faites pas une idée. Ensuite, ces relations forcées, avec le junker, et principalement avec les petits moyens que j’avais, je manquais de tout, je n’avais que ce que ma sœur m’envoyait. Tenez, pour vous donner l’idée de ce que j’ai souffert, avec mon caractère, avec ma fierté, j’ai écrit à mon père, je l’ai supplié de m’envoyer quelque chose. Je comprends qu’après cinq ans d’une telle vie on puisse devenir comme notre dégradé Dromov qui boit avec les soldats et qui écrit à tous les officiers, et demande à emprunter trois roubles et qui signe : tout à vous, Dromov. Il fallait avoir mon caractère pour ne pas me corrompre tout à fait dans cette situation horrible.

Longtemps, en silence, il marchait près de moi. — avez-vous un papiros ? me dit-il. — Oui, alors où en étais-je ? Oui. Je ne pouvais supporter cela, non physiquement, malgré les souffrances et le froid et la faim, je vivais en soldat ; cependant, les officiers avaient pour moi un certain respect. Je conservais sur eux un certain prestige. Ils ne m’envoyaient ni en sentinelle, ni à l’exercice. Je ne l’eusse pas supporté. Mais moralement, je souffrais horriblement. Et surtout, je ne voyais pas d’issue à cette situation. J’écrivis à mon oncle, je le sup-