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et, se détournant de lui, il se mit à nous communiquer les ordres pour le lendemain.

En effet, pour la nuit, on attendait de l’ennemi la fusillade sur le camp et, le lendemain, un mouvement quelconque. Après avoir causé de divers sujets communs, l’aide de camp, comme par hasard, songeant tout à coup au jeu, proposa une petite partie au lieutenant O… Celui-ci, spontanément, consentit et partit avec Sch… et le sous-lieutenant, dans la tente de l’aide de camp où étaient la table verte pliante et un jeu de cartes. Le capitaine, commandant de notre division, alla dormir dans sa tente, les autres offîciers se dispersèrent aussi, je restai seul avec Gouskov. Je ne m’étais pas trompé, j’étais en effet très gêné en tête-à-tête avec lui. Involontairement je me levai et commençai à marcher de long en large sur la batterie. Gouskov, en silence, me suivait de côté en se tournant hâtivement et avec inquiétude pour ne pas rester en arrière ou me devancer.

— Je ne vous gêne pas ? — me dit-il, d’une voix douce et triste. Comme je pouvais le remarquer dans l’obscurité son visage était profondément pensif et triste.

— Nullement, — répondis-je. Mais comme il n’entamait pas la conversation et que je ne savais que lui dire, nous marchâmes longtemps silencieux.

Le crépuscule faisait déjà place à l’obscurité de la nuit. Au-dessus du profil noir des montagnes s’al-