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Quelques soldats le dépassèrent, d’autres parurent de côté et couraient aussi. Les uniformes bleus restaient à la même distance et retournaient en courant vers leurs tranchées. Sous les pieds se trouvaient des morts et des blessés. Arrivé déjà près du fossé extérieur, tout se mêla devant les yeux de Kozeltzov, et il sentit une douleur à la poitrine.

Une demi-heure après, il était sur un brancard près de la caserne Nicolas. Il se savait blessé, mais sentait à peine son mal. Il voulait seulement boire quelque chose de froid et se coucher plus commodément.

Le docteur, petit, gros, avec de grands favoris noirs, s’approcha de lui et lui déboutonna sa capote. Kozeltzov regardait, en dessous de son menton, ce que faisait le docteur avec sa blessure, mais il n’éprouvait aucun mal. Le docteur découvrit la blessure, essuya ses doigts aux pans de son manteau et sans rien dire, sans regarder le blessé, il s’éloigna vers un autre.

Kozeltzov, inconscient, suivait des yeux ce qui se faisait devant lui, et se rappelant ce qui se passait au cinquième bastion, avec le sentiment consolant du contentement de soi-même, il pensa qu’il avait bien rempli son devoir et que, pour la première fois depuis son service, il avait agi aussi bien qu’on pouvait agir et n’avait rien à se reprocher. Le docteur, en pansant un autre offi-