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à l’infanterie. Ce soldat, soulevant une des balles qui était à terre, l’aplatit entre deux pierres, la coupa ensuite avec son couteau en forme de croix de Saint-Georges ; les autres, en bavardant, le regardaient faire.

La croix était en effet très réussie.

— Eh quoi ! Si nous restons encore un peu ici, après la paix, nous serons tous mis à la retraite, — dit l’un d’eux.

— Certainement, il ne me reste à moi que quatre ans de service, et voilà déjà cinq mois que je passe à Sébastopol.

— On a dit que ça ne comptait pas pour la retraite, — dit un autre.

À ce moment, un boulet siffla au dessus des têtes des soldats qui causaient et tomba à terre à la distance d’une archine de Melnikov qui s’approchait d’eux par la tranchée.

— On a manqué tuer Melnikov, dit l’un.

— Il ne me tuera pas, — répondit Melnikov.

— Voici pour ton courage, — dit le jeune soldat qui taillait la croix, en la lui remettant.

— Non, mon cher, ici, un mois compte pour une année. Il y avait un ordre spécial — continuait un des interlocuteurs.

— Que ne dit-on pas ! La paix faite, l’Empereur fera sûrement une revue à Varsovie, et si on ne donne pas la retraite, alors on donnera un congé illimité.