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lité, disait une voix. — Alors l’Autriche aussi…

— Quoi, l’Autriche aussi ! — disait une autre. — Quand le pays slave… Eh bien ! Fais entrer.

Kozeltzov n’avait jamais été dans ce blindage. Il fut frappé de son confortable. Le parquet était de chêne, un paravent masquait la porte. Deux lits étaient le long du mur, dans un coin une grande icône de la mère de Dieu, encadrée d’or ; devant brûlait une veilleuse rose. Sur un des lits dormait un marin tout habillé, sur l’autre, devant la table où se trouvaient deux bouteilles de vin entamées, étaient assis les interlocuteurs, — le nouveau commandant du régiment et un aide de camp. Bien que Kozeltzov ne fût pas du tout poltron et ne se sentît en rien coupable, soit envers le gouvernement soit envers le commandant du régiment, il s’intimida à la vue du colonel, qui récemment encore était son camarade, et qui maintenant se levait et l’écoutait fièrement. « C’est étrange, pensa Kozeltzov en regardant son commandant, il n’y a que sept semaines qu’il a reçu le régiment et déjà dans tout ce qui l’entoure, dans son costume, dans son attitude, dans son regard on voit le pouvoir du commandant de régiment. Il n’y a pourtant pas longtemps que ce même Batristchev faisait la noce avec nous, portait des semaines entières la même chemise de coton et mangeait les éternelles côtelettes de viande hâchée et les vareniki[1] et n’invitait per-

  1. Vareniki, galette fromagée de forme triangulaire.