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quoi, était plus triste et en même temps plus guerrier. Il y avait maintenant plus de trous dans les maisons, nul feu aux fenêtres sauf à la maison de Koustchine (où se trouvait l’hôpital). On ne rencontrait pas une seule femme, et ce cachet de l’habitude et du sans-souci avait disparu de tout pour faire place à une attente anxieuse et à la fatigue.

Mais voilà déjà la dernière tranchée. On entend la voix du soldat du régiment de P… qui a reconnu son ancien chef de compagnie.

Voilà le troisième bataillon qui, dans l’obscurité, se tient près de la muraille qu’éclairent de temps en temps les décharges, et l’on entend la conversation retenue et le cliquetis des fusils.

— Où est le commandant du régiment ? demande Kozeltzov.

— Dans le blindage, chez les marins, Votre Noblesse ! — répond le pioupiou serviable, — si vous voulez, je vous conduirai.

Passant d’une tranchée à l’autre, le soldat amenait Kozeltzov vers le petit fossé du blindage. Là un matelot fumait la pipe. Derrière lui, s’apercevait une porte à travers laquelle brillait une lumière.

— Peut-on entrer ?

— Tout de suite, j’annoncerai. — Et le matelot franchit la porte.

— Si la Prusse continue de garder la neutra-