Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Tu dois beaucoup ? — demanda-t-il en regardant son frère à la dérobée.

— Beaucoup… non, pas beaucoup, mais c’est tout à fait gênant. À trois relais il a payé pour moi et je me suis servi de son sucre, de sorte que je ne sais pas… et nous avons joué une préférence, je lui redois un peu.

— C’est mal, Volodia ! Qu’aurais-tu fait si tu ne m’avais pas rencontré ? — dit sévèrement l’aîné sans regarder son frère.

— Frère, je pensais recevoir cet argent de route à Sébastopol et le lui rendre alors. On peut donc faire comme ça ; oui, ce sera mieux. Je partirai avec lui demain.

L’aîné tira sa bourse, et les doigts tremblants, y prit deux billets de dix roubles et un de trois. — Voilà tout ce que j’ai, — dit-il. — Combien dois-tu ?

En disant que c’était tout son avoir, Kozeltzov ne disait pas l’exacte vérité. Il avait encore quatre pièces d’or cousues dans son vêtement, mais il s’était promis de n’y toucher à aucun prix. Kozeltzov, y compris sa perte au jeu et le sucre, devait en tout huit roubles. Le frère aîné les lui donna, en faisant remarquer seulement, qu’on ne peut, quand on n’a pas d’argent, jouer une préférence.

— À quoi donc as-tu joué ?

Le cadet ne répondit pas un mot. La question de