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et en se frottant les yeux, s’arrêta au milieu de la salle.

— Ah ! excusez-moi, je vous prie, — fit-il au docteur qu’il avait poussé en se levant. Le lieutenant Kozeltzov reconnut immédiatement son frère et s’approcha de lui.

— Tu ne me reconnais pas ? — fit-il en souriant.

— Ah ! ah ! — cria le cadet. — Comme c’est étonnant ! — Et il se mit à embrasser son frère.

Ils s’embrassèrent trois fois, mais la troisième fois s’arrêtèrent comme si cette même idée leur venait à tous deux : pourquoi donc faut-il absolument s’embrasser trois fois ?

— Eh ! comme je suis heureux ! — dit l’aîné en examinant son frère. — Viens sur le perron, nous causerons.

— Allons, allons. Je ne veux pas de borstch. Mange-le, Federson, — dit-il à son camarade.

— Mais tu en avais demandé.

— Je ne veux plus rien.

Une fois sur le perron, le cadet demanda à son frère : « Eh bien ! Comment vas-tu ? Raconte. » Et il répétait sans cesse combien il était content de le voir — mais lui-même ne racontait rien.

Après cinq minutes, pendant lesquelles ils réussirent à se taire un peu, l’aîné demanda à son frère pourquoi il n’était pas entré dans la garde comme tous y comptaient.

— Ah ! je voulais venir plus vite à Sébastopol.