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vait juger dans sa station assise, l’officier n’était pas de haute taille, mais extrêmement large, et pas tant d’une épaule à l’autre que de la poitrine au dos. Il était large et robuste, son cou et sa nuque étaient très développés et très tendus. Ce qu’on appelle la taille — la ceinture au milieu du corps — chez lui n’existait pas. Le ventre non plus n’existait pas. Au contraire, il était plutôt maigre, surtout le visage, couvert d’un masque malsain, jaunâtre. Son visage eût été joli, sans une certaine bouffissure et des rides molles, non séniles, profondes, qui déformaient les traits de son visage et lui donnaient à l’expression générale quelque chose de fané et de vulgaire. Ses yeux étaient petits, bruns, très vifs, même effrontés. Ses moustaches très épaisses et mordillées n’étaient pas très larges, mais le menton et surtout les pommettes étaient couverts du poil fort, très épais, noir, d’une barbe de deux jours. L’officier avait été blessé le 10 mai d’un éclat d’obus à la tête, (bandée jusqu’à ce jour), et maintenant, tout à fait remis depuis une semaine, il allait de l’hôpital de Simféropol à son régiment sis quelque part là-bas où l’on entendait les coups de la canonnade. Mais était-ce à Sébastopol ou à Severnaia ou à Inkermann, il n’avait pu encore se renseigner exactement chez personne.

On entendait déjà les coups, et parfois, surtout quand la montagne n’y faisait pas obstacle ou quand le vent les apportait, ils semblaient très nets, très