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de cadavres, le beau soleil se couche dans la mer bleue, et la mer bleue, en s’agitant, brille dans les rayons dorés du soleil. Des milliers d’hommes se pressent, regardent, parlent, se sourient ; et ces hommes, des chrétiens qui professent la même grande loi d’amour et de sacrifice, en regardant ce qu’ils ont fait, ne tombent pas à genoux, repentants, devant Celui qui, en leur donnant la vie, a mis dans l’âme de chacun, avec la peur de la mort, l’amour du bien et du beau. Ils ne s’embrassent pas avec des larmes de joie et de bonheur comme des frères ! Les drapeaux blancs sont enlevés et de nouveau sifflent les armes de mort et de souffrance, de nouveau coule le sang innocent, et l’on entend les gémissements et les malédictions.


Voilà, j’ai dit ce que je voulais dire cette fois. Mais un doute pénible m’empoigne. Peut-être ne le fallait-il pas. Ce que je dis est peut-être l’une de ces méchantes vérités qui, cachées inconsciemment dans l’âme de chacun, ne doivent pas être exprimées pour ne pas devenir nuisibles, comme la lie qu’il ne faut pas agiter sous peine de gâter le vin.

Où est l’expression du mal qu’il faut éviter ? Où est dans cette nouvelle l’expression du beau qu’il faut imiter ? Qui est le malfaiteur et qui est le héros ? Tous sont bons et tous sont mauvais.

Ni Kalouguine avec son courage brillant — bravoure de gentilhomme — et son ambition, mobile