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Il s’approcha plus près et se mit à examiner le cadavre.

Une petite barbiche noire, redressée, un joli nez ferme, un front haut et blanc, des cheveux rares et bouclés. Il commençait à reconnaître ces traits et n’en pouvait croire ses yeux. La veille encore, il avait vu ce visage animé par l’indignation et la souffrance. Maintenant il le retrouvait calme, inerte et terriblement beau. C’était Kriltsov, ou du moins la trace de son existence corporelle. « Pourquoi a-t-il souffert ? Pourquoi a-t-il vécu ? L’a-t-il compris à cette heure ? » songeait Nekhludov. Et il lui semblait qu’il n’y avait pas de réponse, qu’il n’y avait rien sauf la mort. Et il se sentit mal. Sans dire adieu à l’Anglais, Nekhludov pria le surveillant de le reconduire dans la cour, et sentant le besoin d’être seul afin de méditer sur tout ce qu’il avait éprouvé ce soir-là, il rentra à son hôtel.