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mêlés d’ivrognes, grouillaient et bourdonnaient devant les boutiques, les cabarets, les débits et devant les charrettes. On sentait le voisinage de la ville.

Le cocher, voulant évidemment parader, fouetta et rassembla son cheval de droite, se mit de côté sur son siège, pour porter les guides à droite, puis lança la voiture sur la longue rue et ne s’arrêta que près de la rivière, à l’endroit du passage à bac. Le bac se trouvait alors au milieu de la rivière rapide et revenait de ce côté. Là une vingtaine d’attelages attendaient. Nekhludov, cependant, n’eut pas longtemps à attendre. Le bac allait contre le courant, mais porté par la rapidité de l’eau, il aborda bientôt le ponton.

Les passeurs, de forts gaillards musculeux, aux larges épaules, en pelisses de peau de mouton, silencieusement et adroitement jetèrent les amarres et les fixèrent aux poteaux ; ayant ensuite abaissé le tablier, ils laissèrent sortir les charrettes qu’ils avaient passées, puis se mirent à embarquer les autres en serrant côte à côte les chevaux effrayés par l’eau. La large et rapide rivière battait le flanc des barques qui soutenaient le bac, et le câble se tendait. Quand le bac fut rempli, que la voiture de Nekhludov, dont les chevaux dételés étaient serrés de tous côtés, fut embarquée, les passeurs repoussèrent le bac sans se soucier des prières de ceux qui n’avaient pu