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més et la plupart dormaient. Bien que dans les salles les prisonniers s’étaient couchés les uns sur les lits, les autres dessous et entre les couchettes, beaucoup n’avaient pu se caser et s’étaient étendus par terre, dans le corridor, la tête sur leurs sacs et couverts de leurs capotes humides. Dans les salles et le couloir résonnaient des ronflements, des gémissements, des paroles prononcées en rêve. Partout on apercevait des tas de figures humaines cachées sous les capotes. Seuls ne dormaient pas, dans la salle des célibataires, quelques hommes groupés dans un coin, autour d’un bout de bougie, qu’ils éteignirent quand ils aperçurent le soldat ; et, dans le corridor, près de la lampe, un vieillard assis nu, cherchait la vermine dans sa chemise. L’air empesté du local des condamnés politiques semblait pur en comparaison de la puanteur fétide qui régnait ici. La lampe fumeuse brûlait comme dans une buée, et il était difficile de respirer. Pour marcher dans le corridor sans accrocher du pied quelque dormeur, il fallait chercher une place vide et y mettre le pied, puis chercher un autre endroit pour le pas suivant. Trois hommes, qui n’avaient pu trouver place même dans le corridor, s’étaient couchés dans l’entrée, près du cuveau, d’où suintait un liquide infect. L’un d’eux, un vieillard, était un idiot que Nekhludov avait souvent rencontré durant le trajet. Un autre, un enfant de dix ans,