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sorte que dans le compartiment, il se trouvait en tout, à côté et en face de Tarass, trois places libres. Trois ouvriers les occupèrent, mais quand Nekhludov s’approcha d’eux, ils furent si troublés par son costume de monsieur, qu’ils se levèrent pour s’en aller. Mais Nekhludov les pria de rester et lui-même s’assit au bord de la banquette. L’un des ouvriers, âgé d’une cinquantaine d’années, échangea avec un camarade plus jeune un regard de surprise et même de crainte. Le fait qu’au lieu de les invectiver et de les chasser, comme il convenait à un monsieur, Nekhludov leur cédait sa place, les étonnait et les inquiétait. Ils avaient même peur qu’il n’en résultât pour eux quelque chose de fâcheux. Cependant, quand ils se rendirent compte qu’il ne s’agissait point d’un piège et que Nekhludov causait familièrement avec Tarass, ils se rassurèrent et dirent au plus jeune compagnon de s’asseoir sur le sac et de rendre sa place à Nekhludov.

Tout d’abord, l’ouvrier âgé, assis en face de Nekhludov, se rapetissait et renfonçait ses pieds, tant qu’il le pouvait, pour ne pas toucher le monsieur, mais bientôt il s’enhardit et se mit à parler à Nekhludov et à Tarass avec tant de familiarité que, pour accentuer certains passages de son récit, sur lesquels il voulait attirer une attention particulière, il lui arriva plusieurs fois de frapper de la main le genou de Nekhludov.