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Nekhludov surprit quelques fragments des phrases échangées entre eux, en français. L’une d’elles, prononcée par le prince, se fixa, ainsi qu’il arrive souvent, on ne sait pourquoi, dans le souvenir de Nekhludov, avec l’intonation et le timbre de la voix : « Oh ! il est du vrai grand monde, du vrai grand monde », disait de quelqu’un le prince, de sa voix sonore et assurée, pendant qu’il franchissait avec sa belle-sœur la porte de sortie, salué avec respect par les conducteurs et les facteurs.

Au même moment, à l’angle du bâtiment de la gare, parut un groupe d’ouvriers en lapti et pelisses de peau de mouton, des sacs sur le dos. D’un pas décidé et sans bruit, ils s’avancèrent vers le premier wagon, se disposant à y monter ; mais aussitôt ils en furent chassés par un conducteur. Sans s’arrêter, les ouvriers s’en furent en se hâtant et s’écrasant les pieds, au wagon suivant, et déjà ils y montaient, butant de leurs sacs contre les parois de la portière, quand, du seuil de la gare, un autre conducteur leur cria sévèrement de descendre. Les ouvriers s’empressèrent de sortir, et, du même pas, allèrent à un troisième wagon, celui-là même où se trouvait Nekhludov. De nouveau le conducteur les arrêta. Ils allaient repartir quand Nekhludov leur dit qu’il y avait de la place et qu’ils pouvaient monter. Ils écoutèrent Nekhludov, qui monta derrière eux. Ils s’apprêtaient à s’installer dans le wagon, lorsque le monsieur à