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trouvait tout de suite de bonnes paroles et pouvait dire tout ce qu’il voulait dire. En effet, Tarass, à l’état sobre, était plutôt silencieux, mais dès qu’il avait bu, ce qui lui arrivait rarement et seulement dans des cas exceptionnels, il devenait agréablement loquace. Il parlait alors beaucoup et bien, avec simplicité et franchise, et surtout avec une douceur qui rayonnait dans ses bons yeux bleus et sur ses lèvres souriantes. Il se trouvait maintenant en cet état. La venue de Nekhludov avait interrompu pour un moment son discours. Mais dès qu’il eut bien installé son sac et repris sa place, ses fortes mains d’ouvrier posées sur ses genoux, son regard fixé droit dans les yeux du jardinier, il poursuivit son récit. Il racontait à sa nouvelle connaissance tous les détails de l’histoire de sa femme : pourquoi on l’avait déportée en Sibérie, et pourquoi il l’y suivait.

Nekhludov n’avait jamais entendu les détails de cette histoire, aussi l’écoutait-il avec intérêt. Il en était de son récit après l’empoisonnement accompli, quand la famille avait découvert que Fédosia en était l’auteur.

— C’est mon malheur que je raconte, dit Tarass à Nekhludov, d’un ton amical. J’ai rencontré un brave homme ; alors nous avons causé, et je me suis mis à raconter.

— Oui, oui, fit Nekhludov.

— Ainsi, frère, de cette façon tout a été décou-