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ceux-là ! Ce n’est pas lui qui fera des bêtises, une vraie fille. Il envoie tout ce qu’il gagne à la maison, tout jusqu’au dernier kopek. Et comme il a été heureux de voir sa fille ! C’est impossible à dire, narrait la femme avec un sourire.

La petite fille, qui écoutait sans cesser de grignoter ses graines, releva ses yeux calmes et intelligents sur le vieillard et Nekhludov, comme pour confirmer les paroles de sa mère.

— S’il est sage, tant mieux, reprit le vieillard. Et de cela il ne s’occupe pas ? demanda-t-il en désignant des yeux un couple, mari et femme, des ouvriers de fabrique apparemment, assis de l’autre côté du passage.

L’ouvrier de fabrique, le mari, la tête renversée en arrière, avait porté à ses lèvres une bouteille d’eau-de-vie, qu’il avalait à pleines gorgées, pendant que sa femme le regardait faire, tenant à la main le sac d’où elle avait tiré la bouteille.

— Non, le mien ne boit pas et ne fume pas, répondit la paysanne, heureuse de pouvoir étaler encore d’autres qualités de son mari. Des hommes comme lui, grand-père, la terre n’en produit pas beaucoup ! Mais oui, il est comme ça ! dit-elle s’adressant à Nekhludov.

— Tant mieux ! répéta le vieillard en regardant l’ouvrier qui buvait. Celui-ci, quand il en eut assez, passa la bouteille à sa femme. La femme prit la bouteille après un rire et un hochement de tête