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convoyeurs occupés à délivrer les prisonniers de leurs menottes. Ceux-ci, à tour de rôle, tendaient leurs mains ; l’un des gardiens ouvrait avec une clé le cadenas qui retenait les menottes et les enlevait. L’autre les ramassait.

Nekhludov, après avoir passé devant tous les wagons des hommes, arriva à ceux des femmes. Du deuxième wagon arrivait une voix éraillée qui gémissait d’un ton monotone : « Oh ! oh ! oh ! petits pères ! Oh ! oh ! petits pères ».

Nekhludov alla plus loin et, sur l’indication d’un gardien, s’approcha de la fenêtre du troisième wagon. Dès qu’il avança la tête il sentit monter vers lui une lourde odeur de transpiration humaine et entendit des voix aiguës de femmes. En capote et camisole, les femmes, rouges, en sueur, assises sur tous les bancs, causaient avec animation. Nekhludov qui s’était approché de la grille attira leur attention. Celles qui étaient près de la fenêtre se turent et se rapprochèrent de lui. Maslova, en camisole, tête nue, était assise près de la fenêtre opposée. Plus près se tenait la blanche et souriante Fédosia.

Ayant reconnu Nekhludov, elle poussa Maslova et lui montra de la main la fenêtre.

Maslova se leva vivement, replaça son fichu sur ses cheveux noirs, et, souriant de tout son visage rouge et animé, elle s’approcha de la fenêtre et accrocha ses doigts au grillage.