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confiés à leurs soins et qui eussent pu vivre fussent morts. Cela ne les inquiétait point ; leur seul ennui était d’avoir à remplir toutes les formalités exigées en pareil cas par la loi : remettre les cadavres aux mains des autorités compétentes ainsi que leurs papiers et leurs effets, et les rayer de la liste des hommes conduits à Nijni. Et tout cela leur causait de nombreux tracas, surtout par cette chaleur accablante.

Voilà pourquoi les convoyeurs étaient nerveux ; et avant que tout cela ne fût fait, ils ne voulaient laisser ni Nekhludov ni personne s’approcher des wagons. Cependant on laissa approcher Nekhludov, qui donna de l’argent au sous-officier convoyeur. Mais il le laissa passer à condition qu’il dirait le plus vite possible ce qu’il avait à dire et s’arrangerait pour n’être pas vu du chef. Le train était composé de dix-huit wagons, tous bondés de prisonniers, sauf un réservé aux autorités. En longeant le train, Nekhludov écoutait ce qui se passait dans les wagons. Partout des bruits de chaînes, le vacarme, des discussions émaillées de mots obscènes ; mais nulle part, contrairement à ce qu’avait pensé Nekhludov, pas un mot des camarades tombés pendant le trajet. Dans les conversations il était surtout question de sacs, d’eau à boire, et du choix des places.

À l’intérieur d’un wagon dans lequel Nekhludov jeta un coup d’œil, il vit, au milieu du passage, des