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heures du matin : compter et inspecter les déportés qui devaient partir. Il fallait faire l’appel, en suivant sur le registre, de six cent vingt-trois hommes et soixante-quatre femmes, séparer les malades et les faibles, puis remettre à l’escorte. Le nouveau directeur, ses deux adjoints, le médecin, l’aide-chirurgien, le chef d’escorte, le greffier de la prison, étaient assis devant une table chargée de paperasses et placée dans la cour, à l’ombre d’un mur, et ils appelaient, examinaient, interrogeaient et inscrivaient les prisonniers qui s’avancaient un à un.

Les rayons du soleil couvraient déjà la moitié de la table. La chaleur devenait excessive et suffocante par suite du manque d’air et du souffle qui montait de la foule des prisonniers.

— Mais cela ne finira jamais ! s’écria le chef du convoi, un grand et gros gaillard au visage rouge, les épaules hautes, les bras courts, qui ne cessait de rejeter la fumée de son tabac sur sa moustache qui lui couvrait toute la bouche. Je suis éreinté ! Où avez-vous pris tout ça ? Y’en a-t-il encore beaucoup ?

Le greffier regarda.

— Encore vingt-quatre hommes et les femmes.

— Eh bien ! Quoi ? Pourquoi vous êtes-vous arrêtés ? Avancez ! cria l’officier aux prisonniers qu’on n’avait pas encore examinés et qui se tenaient en tas. Depuis trois heures ils étaient là,